dimanche 5 décembre 2010

L'Agent qui m'aimait (enfin j'espère)

Dans la série les news de ma vie, j'ai désormais un:



Non, pas un James Bond. Un agent. Ou plutôt une agente, car elle a eu la bonne idée d'exiger deux chromosomes X in utero.

Comme vous le savez peut-être, le système éditorial anglo-saxon diffère largement du système français en cela qu'il est impossible d'expédier directement sa prose aux grands éditeurs - seule une poignée de petits éditeurs acceptent les manuscrits. Du coup, il faut d'abord se trouver un/e agent/e qui soit séduit/e par nos oeuvres, et qui se charge ensuite de les promouvoir auprès des éditeurs. Evidemment, l'agent/e en question ne touche pas un rond de centime de penny avant d'avoir casé ton manuscrit contrat signé emballé c'est pesé. L'agent/e doit à la fois avoir du flair en matière de littérature et un bon sens des affaires et de la négotiation, parce que le but c'est à la fois de trouver des auteurs et de leur dégoter des contrats alléchants. Oui, en Grande-Britannie on est pragmato-créatif.

Bref, ayant commencé récemment à écrire en angliche, j'ai envoyé mes productions à des agents et voilatipa qu'une agente a 'exprimé un intérêt pour mon manuscrit' comme on dit. Je suis donc descendue sur Londres il y a quelques semaines pour rencontrer cette femme de goût, après avoir passé huit ans et six jours devant mon armoire pour décider quoi mettre. Après avoir essayé trente-neuf robes, j'ai débarqué à Covent Garden en jean et j'ai été reçue dans un charmant petit salon/bureau avec poufs en chintz, sofas moelleux et murs recouverts de bouquins. L'agente (en jean, les amis: j'avais fait le bon choix) était très sympathique, enthousiaste et perspicace et nous nous sommes mises d'accord pour que je lui fournisse une version corrigée de mon roman ado le plus tôt possible. Je vais donc passer la semaine qui vient à faire des corrections. Et puis ce sera à elle de démarcher les éditeurs potentiels et, j'espère, de finir par en trouver un.

Voilà, je suis consciente que ce billet n'est pas d'un intérêt à tomber à la renverse mais c'est un petit aperçu d'un système un peu différent, et je vous informerai de l'évolution de l'affaire si évolution il y a. En attendant, bonnes écritures et coucou à toutes celles qui sont à Montreuil ce week-end! Je serais bien de la partie si je n'étais pas de l'autre côté de la Manche.

lundi 22 novembre 2010

Ca y est, je l'ai vu.

Oui, ça y est, j'ai vu ce chef-d'oeuvre du septième art, cette production magistrale tant attendue, j'ai nommé:



Oh comme ils courent vite! Cours Forest! Cours! C'est parce qu'il y a un méchant qui veut les attraper. Le méchant, c'est Voldemort. Alors je sais pas vous mais normalement un méchant, dans ma tête, il a une voix, ben, de méchant. Genre au moins une octave en-dessous du reste de la populace, à la Dark Vador, si vous voyez ce que je veux dire. Non non, pas Voldemort. Le film s'ouvre sur une scène 'terrifiante' où Voldemort à la narine serpentine nous fait tout un blabla qu'il faut grave tuer Harry Potter parce qu'il commence à être relou sérieux, tout ça avec la voix de ma petite soeur de 16 ans. Du coup déjà t'y crois moyen. Mais bon, ce n'est que le début.

Petite remise dans le contexte. Je suis allée voir le film en Angleterre (vu que c'est là que je suis, au cas où t'as pas suivi) et c'est une grave erreur (qui explique que je n'aille jamais au ciné dans ce pays) car les Angliches sont d'une nullité abasourdissante au cinéma. Oui t'as l'impression qu'il est facile d'aller au cinéma et juste d'être au cinéma, petit Français. Mais non, pas du tout. L'Angliche moyen de constitution classique ne peut pas rester en place pendant deux heures à regarder en face. Je jure sur la tête de notre tortue domestique que les 200 personnes de la salle sauf moi ont tous eu besoin à un moment ou un autre d'aller aux toilettes. Je n'ai jamais vu ça de ma vie. C'est genre le cinéma est un hall de gare où tu passes et repasses. Il y avait systématiquement quelqu'un en train de sortir ou de rentrer. Sans compter que ces espèces de débiles profonds avaient des poches remplies de clefs ou de pièces de monnaie, c'était peut-être jour de paie, j'en sais rien, donc t'avais l'impression d'être entourée d'incontinents chroniques et musicaux aux poches cliquetantes. Ah, et luminescents, car ai-je précisé qu'en sortant de la salle ils allument leur portable pour voir le chemin? Ce qui est bien inutile, parce qu'en Angleterre, figurez-vous qu'ils n'éteignent pas les lumières pour le film. Non madame, z'ai peur dans le noir. Tu vois le genre de lumière tamisée qu'il y a pour les 20 minutes de pubs en France? t'as ça pendant tout le film chez les Angliches. O joie! Apparemment, l'Angliche est aussi atteint du syndrome d'incapacité complète de se concentrer pour plus de huit minutes sans vérifier qu'il ou elle n'a pas reçu un texto depuis la dernière fois. Super.

Bref, ça c'était pour vous planter le décor et expliquer pourquoi je n'étais pas tout à fait très bien disposée pour voir ce film dans la splendeur automnale de ma petite ville universitaire. Je vais quand même nuancer quelque peu mes propos, parce qu'il faut le reconnaître, ce film-là est bien meilleur que le précédent. Comme d'habitude, les effets spéciaux sont 'à couper le souffle' et même 'à la pointe de la technologie', ce qui n'a rien d'étonnant vu que chaque minute de film coûte l'équivalent du PIB des îles Caïman. Les acteurs adultes sont bons, les paysages extérieurs sont dignes du Docteur Jivago, bref, il y a des points positifs.

D'un autre côté, et comme d'habitude, il y a absolument zéro émotion du début à la fin de ce film incroyablement clinique. Les trois acteurs principaux ne jouent pas. C'est pas qu'ils ne savent pas jouer, j'en sais rien, mais ils ne jouent pas. Ils disent leurs phrases, un ptit tour et puis s'en va. Aucune émotion, aucune sensibilité, dans une adaptation d'un bouquin qui est très émotionnel à beaucoup d'endroits. Une seule exception, et c'est un ajout des scénaristes, donc pas dans le livre: une scène de danse entre Harry et Hermione, qui est le seul moment des sept films où le jeu robotique des deux acteurs laisse place à un peu de naturel. Très jolie scène et très bonne idée. Pour le reste, leur jeu est mécanique et expéditif, sans aucun intérêt.

L'apogée du film, c'est sans doute le petit dessin animé qui accompagne le récit par Hermione du Conte des Trois Frères. Je ne m'attendais pas du tout à cette petite excusion dans le film d'animation et c'est vraiment très réussi, avec un graphisme très moderne sur tons sépia, de beaux jeux de silhouettes, bref, si seulement tout le film avait pu être aussi léché et sophistiqué je ne lui aurais pas porté le même regard.

Pour une raison ou pour une autre, ils ont eu beau couper le septième livre en deux, ils ont quand même jeté à la poubelle les trois quarts de l'histoire originale. On n'apprendra rien sur Dumbledore et sa famille, sur Grindelwald et sur l'implication des deux sorciers dans la recherche des Reliques. L'action est, encore et toujours, privilégiée, ce qui est normal dans une superproduction mais je rêve d'une réadaptation, dans quelques années, moins blockbuster et qui respecte la complexité du texte original au lieu de rester désespérément linéaire.

La fin est très abrupte et on n'a absolument pas l'impression d'avoir vu un film complet. C'est un demi-film à tous égards. La deuxième moitié arrive bientôt, paraît-il, et il va y avoir encore plus d'action que dans la première. Aucun problème pour une soirée fun entre amis, mais malgré tous leurs efforts, il n'y a aucune chaleur. Ils ne parviendront jamais, je pense, à rendre ces adaptations sensibles, charmantes ou émouvantes.

dimanche 14 novembre 2010

C'est le ouikènde!

... et je fais encore du dessinage avec ma nouvelle boîtàaquarelle que c'est mon copain qui me l'a offerte pour notre anniversaire de quatre ans.





Le problème c'est que dès que je fais du dessin 'sérieux' il ressort très rigide. J'aimerais bien savoir dessiner, genre savoir vraiment dessiner des trucs difficiles avec des effets d'ombre et de style, mais je pense que c'est quasi impossible sans cours de dessin et/ ou école d'art, et je n'ai ni l'un ni l'autre dans mon baluchon. Du coup je dessine toujours les mêmes choses, avec toujours les mêmes outils (après tout, la peinture à l'huile c'est plus difficile et moins rigolo que la peinture à l'eau).

Mais hier je suis allée à un atelier dessin d'une journée quelque part dans Cambridge. C'était rien chouette parce que ce genre de trucs n'arrive pas très souvent à Cambridge, et on n'était que cinq, donc on a eu six heures de cours assez productives. Six heures de cours où il a fallu que je me force à dessiner d'après nature, ce que je ne fais jamais parce que je déteste ça. Oui en général je me dis 'allez c'est bon, je sais à quoi ça ressemble un visage, j'en vois tous les jours' et mon dessin ressemble à un cousin d'E.T. à la mode de Bretagne. Mais en groupe ce n'est pas aussi pénible que toute seule et on a fait des exercices intéressants, genre dessiner sans regarder le papier, dessiner très rapidement, dessiner très lentement, et dessiner quelqu'un avec un marqueur sur du plastique transparent tenu verticalement (essayez c'est très intéressant).

Bref c'était très cool et je me suis acheté une belle boîte de Conté. On verra ce que ça donne.

dimanche 7 novembre 2010

Dimanche matin...

... et au lieu de me mettre à ma présentation Power Point très urgente, je bois mon café en faisant des essais pour Mange-Soeur, un petit projet en cours.

C'est l'histoire d'un petit garçon qui déteste sa petite soeur, mais alors vraiment il l'aime pas du tout du tout. Il comprend pas du tout pourquoi il a fallu qu'elle sorte du ventre de sa maman. Elle était pas bien, là-dedans? Du coup il la mange:



Mais forcément les parents se demandent où est passée la gamine, et le gros ventre de leur aîné les rend soupçonneux:



'Dis donc, qu'est-ce que tu as fait de ta soeur?'

Vous inquiétez pas, l'histoire se finit bien.

mardi 2 novembre 2010

Ré-impressions, le retour!



Regardez-moi cette nouvelle édition des Harry Potter! Oh comme ils sont jolis. Oui oui, je sais, il y a peu de temps je faisais une analyse critique de la réédition de Noel des Twilight, , mais je ne vais pas faire pareil maintenant sous vos yeux ébaubis car, 1) c'est Harry Potter et on ne critique pas Harry Potter, 2) j'ai peu de temps devant moi et 3) ils sont vraiment vachement beaucoup réussis.

Evidemment, j'en ai acheté un (le premier): j'ai donc désormais 21 différentes éditions du bouquin dans mon chez-moi et si vous pensez que je suis une indécrottable geek, vous avez fort raison.

Allez, un ou deux petits commentaires parce que c'est pas tous les jours qu'on entre dans une librairie et qu'on se retrouve nez a reliure avec une nouvelle édition des Harry Potter. On a visiblement un éditeur qui pour le coup se dit: 'Harry Potter est un classique, il faut en faire visiblement un classique'. Donc ils ont embauché une artiste contemporaine mais qui imite le style ancien des 'classiques' des illustrations de contes et légendes. La calligraphie pseudo-manuelle fait signature de manuscrit au lieu de faire police d'écriture. Le design du premier bouquin rappelle Alice au Pays des Merveilles. C'est subtilement fait, mais le papier glacé est légerement jauni, style parchemin. La bordure de la couv fait genre elle est un peu déchirée (message: 'on m'a lu, relu et rerelu'). Le style n'est ni enfantin ni adulte: c'est un entre-deux, comme le public du livre. La quatrieme de couv accueille un pitch pas sulfureux, simple, et quelques citations de journaux, plus une illustration complémentaire.

Voili voilou, c'est bien joli, bien pensé, un beau travail d'édition. J'aime, comme on dit sur Facebook.

jeudi 28 octobre 2010

Un dîner presque magique

Les Grands-Britons, même de l'espèce academia bibliothecus, sont légendairement un peuple d'originaux et de très légèrement dérangés. J'en ai eu la preuve parfaite et magnifique avant-hier, où j'ai pu prendre part à un dîner d'Halloween spécial Harry Potter dans l'un des colleges de mon auguste université. Décoration, menu, costumes, hiboux vivants, tout y était. Et évidemment dans l'un des 'Formal Hall' de Cambridge qui sont l'équivalent tangible et véritable de la Grande Salle de Poudlard/Hogwarts. Les 200 tickets ont été vendus au rythme d'un concert de Muse, mais j'ai réussi à en attraper un au vol.

Les profs étaient tous déguisés de la tête aux pieds, et avaient leur rôle à jouer dans cette grande reconstitution: ma prof de littérature jeunesse écossaise jouait McGonagall, un autre de mes profs nous a fait une lecture du livre, et entre chaque plat on avait droit à un petit spectacle. Sans compter les Chocogrenouilles et dragées surprises placées sur les tables, et le menu Halloweenesque inspiré des plats des bouquins. Mais l'idée la plus magique de la soirée a quand même été les hiboux et chouettes volant dans le Hall, frôlant les tables et même se perchant sur les sièges! On a pu les caresser et ils étaient tout doux.

Voici quelques photos de l'événement: (un peu sombres parce qu'il faisait presque noir)

Le Hall décoré



Une chouette prenant son envol (oui c'est un fantôme à côté)



Un hibou à l'air orgueilleux



Le portrait de la directrice du college... à qui on avait ajouté un chapeau de sorcière:



Je n'ai qu'une chose à dire: Nigaud! Grasdouble! Bizarre! Pinçon! Je vous remercie.

lundi 25 octobre 2010

Ré-impressions

R'gardez ça s'ils sont pas mignons!



En ce moment j'ai un emploi du temps absolument cadenassé (traduction: pardon les gens de pas écrire plus souvent!) mais l'autre jour je suis entrée dans une librairie et je suis tombée nez-à-nez avec la nouvelle édition de Noël de la série des Twilight.

Comprenez: 'Hmm hmm! C'est bientôt Noël!' (nb Noël en Grande-Britannie commence le 1er octobre au matin: tout le monde se réveille, ouvre la fenêtre et dit "Smells like Christmas... Feels like Christmas... Christmas is coming! yeeeehaaa") 'C'est bientôt Noël, donc, et que veut dire Noël? Noël veut dire...

MONEY$MONEY$MONEY$

(n'oublions pas que nous parlons ici d'un éditeur)
'Et qu'est-ce qui fait gagner de l'argent en ce moment?' se demande donc notre markéteur-éditeur-supertrooper. 'Ah oui! ce truc avec les vampires, là. Tu sais ceux qui brillent et qui mordent pas? Allez, on va revamper nos vampires et les revendre en super édition de Noël qui déchire sa race.'

Bref, ce revampage est très intéressant (oui sinon j'irais pas écrire un billet complet dessus à 8h13 du matin). En gros, ils ont fait trois choses:

1) Enlever le titre de la couverture. Iléou le titre? ya pu de titre. Il est parti.
2) Photoshop -> remplacer -> noir -> par -> blanc
3) Peindre la tranche en rouge

Je vais maintenant ânâlyser ces trois manoeuvres marketing pour vous en direct et sans prompteur.

1) Disparu le titre. Il existe des livres sans titre, mais c'est rare. En général, quand ça arrive, ce sont des bouquins dits 'postmodernes' (comprenez: bizarres et borderline). Dans ce cas-là, retirer le titre veut dire que l'identité visuelle des bouquins est si bien ancrée dans les mémoires que l'image de couverture elle-même 'parle' à la place du titre. En gros, quand on voit une pomme entre deux mains blanches, on pense 'Twilight'. Le titre est devenu redondant. Le langage verbal disparaît au profit de l'image, langage visuel beaucoup plus 'attirant' pour leur cible. Bon, il faut pas être grand clerc pour interjeter que dans Twilight le langage verbal avait depuis longtemps disparu au profit du langage visuel. Tout dans Twilight est extrêmement visuel: avec un minimum de vocabulaire, elle fait voir. La langue est terriblement simple, ne fait aucun effet de style qui ne soit pas complètement au profit des images qu'elle décrit. La disparition du titre au profit d'une image attirante (et qui représente universellement Twilight maintenant) représente l'aboutissement de cet effacement du langage. Sans compter que ce manque de titre, ça fait aussi très style et très postmoderne alors qu'en fait, les bouquins sont d'un traditionnel et d'un conservatisme absolu.

2) Le passage du noir au blanc. Evidemment, c'est Noël, donc les couleurs, c'est rouge et blanc, comme Coca-Cola et le Père Noël. Mais les vampires, c'est rouge et noir. Ca fait pas très sérieux, un vampire en rouge et blanc. Sauf que Twilight, c'est pas des vrais vampires (n'est-ce pas, papa?). C'est pas des vampires méchants qui mordent, c'est des vampires amoureux qui font des bisous. Et je pense qu'ici c'est tout à fait le message du changement de code couleur. Sous prétexte d'édition de Noël, ce changement de couleur est aussi une volonté de changement de perception de l'histoire: plus comme 'dark' ou 'Gothic' mais résolument dans le genre 'romance' et je dirais même 'romance chaste'. Le blanc, couleur de pureté, c'est la couleur de la vierge demoiselle qu'est Bella. Le rouge, c'est la couleur du sang qui vient troubler la pureté de cette demoiselle (le rougissement, symbole érotique par excellence de la romance classique). Pensez à Perceval absorbé dans la contemplation d'une goutte de sang sur la neige. Les connotations sont multiples. Twilight abandonne son habillage sulfureux et maintenant banalisé par la quantité de clones tout noirs ou violet foncé qui encombrent les rayonnages, rejette l'étiquette de 'dark fiction' et se rhabille dans des couleurs qui rappellent les histoires d'amour des contes chevaleresques. Et qui en plus rappellent Noël.

3) La tranche est rouge. Le détail qui tue. Déjà, c'est joli. Mais ça a un autre effet: le rouge 'encadre' légèrement la page blanche comme un avertissement, rappelant au lecteur (ou plutôt à la lectrice...) que la chasteté du texte est liserée du rouge sang dont j'ai parlé plus tôt.

Bref, c'est très réussi, cette réédition, je trouve, et ça montre bien le changement de cap dans la perception du bouquin par les éditeurs. Et des vampires dans l'inconscient collectif. Twilight se veut désormais innocent, chaste et familial, mais la tranche rouge est là pour rappeler le côté 'tranchant' de ce traité de Mormonisme aigu.

samedi 16 octobre 2010

Enjeux universitaires en terre des Angles



Pour une raison non identifiée, j'ai été invitée il y a deux jours à un déjeuner avec le nouveau Vice-Chancellor de Cambridge (comprenez: le président de l'université, car le 'Chancellor', qui n'est autre que le Duc d'Edimbourg - le mari de la Reine, vous suivez? - n'a qu'un titre honorifique, ils aiment bien ça les Britons). Il y avait là une poignée d'étudiants représentant les différentes facultés, et le Vice-Chancellor, Leszek Borysiewicz, qui frôle les plafonds tellement il est grand. Très sympa, le nouvel empereur de l'université nous a longuement parlé des problèmes qu'il chercherait à gérer durant son mandat, et ils sont légion. Mais l'un d'entre eux, en particulier, m'intéresse parce qu'il est très difficile à aborder et à comprendre.

Ce problème, c'est celui de l'augmentation de la diversité à Oxbridge, et quand on parle diversité dans les grandes universités anglaises ce n'est pas seulement au sujet des minorités ethniques, des femmes et des handicapés: c'est aussi et surtout la quantité d'élèves provenant d'écoles publiques par rapport au nombre d'élèves d'écoles privées.

Oui parce qu'en France, sauf exception, on place son marmot sous l'égide de l'école publique, gratuite et obligatoire, et à quelques cahots près ça fonctionne correctement. Mais en Angleterre, que dalle. Les écoles publiques (85% des écoles) sont, en règle générale et à quelques exceptions près, remarquablement impuissantes, faute de moyens. Autrement dit, les parents ont tout intérêt à desserrer les cordons de leur bourse pour permettre à leurs angelots de rejoindre l'école privée du coin, où ils seront coachés nuit et jour pour ensuite entrer à l'université sans encombre (petit rappel: l'entrée à l'université en Angleterre se fait sur sélection). Un cercle vicieux s'ensuit - les gamins des écoles privées entrent massivement à l'université, les gamins des écoles publiques perdent confiance, les parents suivent - bien obligés - et les écoles publiques voient leur réputation déjà écornée s'effondrer complètement.

Or, le problème n'est même pas tant un problème de niveau qu'un problème psychologique, puisqu'il y a énormément d'élèves d'écoles publiques qui ont en fait largement les capacités et la motivation d'entrer à l'université, voire dans les universités de la Russell League (les meilleures universités du Royaume-Uni), voire à Oxbridge. Mais le problème, ce n'est pas qu'ils ne sont pas assez bons, c'est qu'ils n'envoient pas leur dossier de candidature. Beaucoup d'entre eux pensent que Cambridge et Oxford ne sont pas faits pour eux parce qu'ils viennent des écoles publiques. Du coup, on se retrouve à Cambridge avec une lamentable moyenne de 58% d'élèves provenant d'écoles publiques (à comparer avec la proportion nationale de 85%...).

Ce qui est assez désespérant, c'est que l'université fait d'énormes efforts pour accroître la diversité. Chaque college élit un 'Access Officer' qui a pour mission de rendre visite aux écoles publiques afin de convaincre les meilleurs élèves qu'ils ont non seulement le droit de demander à entrer à Cambridge ou Oxford, mais qu'en plus ils ont largement leurs chances d'y être acceptés. Au niveau de l'université, des dizaines de programmes sont mis en place (journées portes ouvertes, tournées des écoles, etc) dans le même but. Il y a du progrès, mais le taux d'élèves d'écoles publiques qui envoient leur candidature reste faible.

La situation se trouve d'autant plus compliquée que la presse anglaise avec ses redoutables tabloids (The Sun, The Daily Mail, The Mirror, les journaux les plus abyssalement nuls du monde) fait complètement le contraire de ce qu'elle devrait faire pour aider le processus d'intégration. D'un côté, on a droit à des articles larmoyants lamentant le manque d'élèves du public à Oxbridge ("'On m'a refusé l'entrée à Cambridge parce que je viens d'une école publique', déclare Shannon, 17 ans, les larmes aux yeux"), mais de l'autre, ils sautent sur n'importe quelle occasion de présenter les deux universités comme des refuges de bourges ultra-snobs qui jouent au polo à longueur de journée, sortent dans des boîtes select et se fringuent en Dolce&Gabbana. Et comme ces journaux sont lus par une vaste majorité des Grands-Britons, le fait que Cambridge et Oxford cherchent désespérément à prouver que c'est absolument faux n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan de la réputation qui leur est faite par les médias.

Bref, le nouveau Vice-Chancellor s'est fixé une tâche herculéenne et dont les ramifications sont très profondes et difficiles à analyser. On est tenté de réduire tout à l'argent, en disant que les élèves d'écoles publiques ne veulent pas aller à l'université parce que c'est trop cher. C'est peut-être vrai dans une certaine mesure, mais Cambridge et Oxford ne sont pas plus chères que n'importe quelle autre université britannique, et de plus il existe un grand nombre de ressources financières disponibles pour tous les étudiants. Ce n'est pas primordialement une question d'argent, c'est une question d'image, ce qui la rend d'autant plus compliquée à résoudre. Et bien entendu, le problème existe aussi en France.

samedi 9 octobre 2010

Blogueuse occupée, blogueuse fatiguée!



Salut la blogosphère,

(J'aime bien dire ça, ça fait la meuf qui a des Google Analytics de folie)

Me revoilà après une longue absence quasi inexcusable, sauf que c'était la rentrée et que j'ai dû me concentrer vachement très fort pour être gentille avec la maîtresse et apporter des bonbons à la récré pour me faire des copains et des copines. Voici donc un billet sous forme de liste de choses qui m'arrivent pour tenir au courant les trois quidams qui suiveraient vaguement mes élucubrations:

1) Je suis désormais une étûdiânte en dôctôrât, ce qui veut dire qu'entre moi et le Saint Graal d'Académiland il ne reste que trois petites années de travail. Après je me reposerai toute ma vie. Mais le programme est intense, entre thèse proprement dite et conférences parallèles en Europe et en Amérique. Si je parviens à surnager, je finirai un jour par devenir Dr Beauvais, mais pour obtenir ces deux petites lettres il faut d'abord que j'en écrive près de cinq cent mille.

Anecdote du jour: premier cours avec les nouveaux doctorants, le prof annonce qu'il faut écrire un compte-rendu de lectures de 6000 mots pour décembre, une Américaine lève la main:
'Oui, excusez-moi, juste pour savoir, 6000 mots, ça fait combien de pages?'
Bleh.

2) Etant la nouvelle coéditrice du journal de l'assoc féministe de Cambridge, je me suis rendue comme de bien s'accorde à la grande fête des assocs qui a lieu chaque année dans un grand gymnase de la ville et sert, en gros, à embrigader le plus de première-années possibles dans ce qui nous semble être une juste et noble cause. Pendant trois heures j'ai donc agité des tonnes de prospectus sous le nez des passants en hurlant 'WOMEN'S CAMPAIGN! WOMEN'S CAMPAIGN! Are you interested in the WOMEN'S CAMPAIGN???'.

Le bon côté des choses, c'est qu'on a eu des centaines de signatures. Le côté amusant des choses, c'est la réaction des mecs qui passaient par là. Dès que les deux mots 'women' et 'campaign' atteignaient leurs pavillons oculaires, on les voyait pâlir et s'écarter ostensiblement des prospectus du diable comme s'il se fût agi d'une variété particulièrement perverse de virus de la grippe A. Une fois ou deux, j'ai réussi à attraper dans mon filet invisible un possesseur de chromosomes XY pour lui communiquer ce message plein de bon sens: 'L'association est aussi ouverte aux hommes, on peut être un homme et être féministe, tu sais!'. Peine perdue. On aurait dit que le petit bout de papier allait leur brûler les doigts. Surtout les gros joueurs de rugby. C'était genre la fin du monde de se faire accoster par une nana pensant qu'ils étaient du style à rejoindre la cause des féministes.

Le plus drôle, c'est quand ces malabars se faisaient ensuite accoster, juste à côté de moi, par le représentant des étudiants gays, lesbiens, trans et bi de Cambridge. Masculinité trucidée à tout jamais, les pauvres tas de viande s'en allaient ensuite tout rouges et en faisant rouler leurs semblants de muscles. On a bien rigolu.

3) Côté écritures, de nouvelles choses se préparent, mais pour l'instant l'emploi du temps ne permet que quelques tapotis de clavier par jour.

4) SCOOP DE PORTEE INTERNATIONALE! Nous avons désormais dans notre jardin une splendide colonie d'écureuils noirs. Il paraît que c'est une nouvelle variété. Ils se bastonnent avec les écureuils gris un truc de fou. Ils sont beaucoup plus beaux alors j'espère qu'ils gagneront à la fin. Pour suivre en temps réel la bataille intra-jardinale des écureuils noirs et des écureuils gris, ou pour recevoir des mises à jour sur ce combat à mort entre grignoteurs de noisettes, appelez le 3630.

5) Sous le prétexte fallacieux que l'on appelle 'mode', les première-années et les deuxième-années se baladent dans le tout-Cambridge chapeautés de bonnets-panda. Si vous ignorez ce qu'est un bonnet-panda, en voici un:



NO COMMENT.

Allez les amis, c'est tout pour aujourd'hui.

dimanche 26 septembre 2010

Funky, la littérature pour jeunes adultes

La semaine dernière, Son Altesse Divine ma Directrice de Thèse m'a prêté deux bouquins, d'après elle nullissimes, mais qu'il est, toujours d'après elle, 'de notre devoir professionnel' d'avoir lus, et qui font partie de cette nouvelle catégorie rock'n'roll que l'on appelle 'Young Adult Literature' ou 'YA', comprenez 'Littérature pour jeunes adultes'. Qu'est-ce qu'un 'jeune adulte', on se demande. 15-25 ans? 18-20 ans? 20-30 ans? 15-30 ans? Le flou règne. Bref, voilà les deux livres en question: Forbidden ('Interdit'), par Tabitha Suzuma, et The Hunger Games ('Les jeux de la faim'), par Suzanne Collins. Google m'informe que le premier n'a pas encore été publié en France, et que le second a été imaginativement traduit chez Pocket sous le titre, je vous le donne en mille, de The Hunger Games.





Je vous confirme d'emblée que les deux livres sont mauvais, mais je vous conseille quand même de les lire. Ce qui est frappant, c'est la thématique particulièrement trash dans les deux cas, et la manière dont elle est traitée, qui représente tout à fait les tendances de la littérature pour jeunes adultes depuis la création du genre: elle s'enfonce chaque année davantage dans les tréfonds du trash.

Forbidden traite d'une relation incestueuse mais amoureuse entre frère et soeur, avec des scènes de sexe d'une longueur surprenante (les scènes) et d'une précision clinique, que l'on peut difficilement qualifier autrement que comme des épisodes de littérature érotique voire pornographique pour jeunes lecteurs. Personnellement, ce n'est pas ça qui va me faire pousser des hauts cris, mais je constate que c'est particulièrement poussé pour un bouquin qui va se retrouver entre Twilight et le Journal Intime de Georgia Nicholson. Et comme la narration alterne entre le point de vue de la soeur et celui du frère, on a droit à une vision panoramique de leurs exploits sexuels par chacune des parties concernées.

Le second livre, The Hunger Games (à surveiller: énorme bestseller dans les pays anglo-saxons, le troisième tome vient de sortir) va loin dans un autre mode: celui de la violence. Petit pitch rapide: dans un futur dystopique et totalitaire, le district central des Etats-Unis, le Capitole, rafle chaque année douze garçons et douze filles de 12 à 18 ans, vivant dans les districts voisins, pour organiser de grands jeux télévisés, les Hunger Games, au cours desquels les 24 jeunes gens doivent littéralement s'entretuer: le dernier vivant gagne. Vous aurez reconnu la référence à Thésée et le Minotaure, mais elle s'arrête là. Pendant un certain temps je me suis demandé si on allait vraiment voir l'héroïne trucider ses adversaires, pensant que l'auteure trouverait un moyen de se débarrasser des autres ados sans intervention directe de sa protagoniste. Oh pas du tout. La gamine perce le coeur d'un concurrent à coup de flèche, lâche des frelons tueurs sur deux autres, et en affame un troisième. Bien sûr, c'est elle ou eux, donc c'est justifié. Après tout, elle se reçoit un poignard dans le front. Les autres, en comparaison, sont encore plus cruels, tuant leurs adversaires au couteau ou en leur dévissant la tête. Le sang coule à flots. C'est très grand-guignolesque, comme bouquin.

Sexe et violence à outrance, ce n'est pas nouveau et cela ne me choque que très modérément. Maintenant. Mais je me souviens très bien avoir été assez ébranlée pas Junk, de Melvin Burgess, à 14 ans, Eclipse, de Robert Cormier, à 12 ans, et d'autres bouquins plus ou moins similaires où ces sujets-là - et suicide, drogue, inceste, torture - sont traités sans pincettes. Et pourtant j'étais loin d'être une chochotte. Ces bouquins sont peut-être destinés aux jeunes adultes mais ils sont lus par de jeunes ados, voire des enfants. Certains réagiront bien et d'autres moins. La censure est ridicule et inutile mais on peut se poser la question de la responsabilité de l'auteur/e vis-à-vis d'un public qui a une sensibilité différente de la sienne. C'est une question sans réponse.

lundi 20 septembre 2010

Explication



Coucou la blogosphère! Si je n'ai pas écrit depuis longtemps, c'est que j'étais en plein travaux de construction d'une piscine à lettres de refus dans mon 30m². En voilà une photo. Je nage dans le bonheur. En plus, elle devient de plus en plus profonde tous les jours!

dimanche 12 septembre 2010

'J'ai mis le mot fin'



Céleste, la fidèle servante de Marcel Proust, raconta qu'un matin l'écrivain lui dit alors qu'elle lui apportait son petit déjeuner: 'Il est arrivé une grande chose cette nuit... J'ai mis le mot fin.'

Personne depuis n'a jamais mis le mot fin à une oeuvre aussi colossale ("à part J.K. Rowling!" "tais-toi cerveau"). Mais le sentiment reste le même. Et voilà, moi aussi, cet après-midi, 'j'ai mis le mot fin' à un roman commencé en février 2008. Bien sûr, il va falloir que je le relise, que je le remanie, que je le recorrige, que j'en coupe des morceaux (oui, depuis le temps que je bosse dessus, il est mastoc, mon bébé), mais quoi qu'il en soit, j'ai mis le mot fin.

J'ai un peu la tête qui tourne. Je crois que j'ai besoin d'un Coca.

dimanche 5 septembre 2010

Conférençons gaiement!



Quand j'étais en CE1, on avait monté une pièce de Prévert, Le dromadaire mécontent, qui commence ainsi:

Un jour, il y avait un jeune dromadaire qui n'était pas content du tout.

La veille, il avait dit à ses amis: "Demain, je sors avec mon père et ma mère, nous allons entendre une conférence, voilà comme je suis moi!"

Et les autres avaient dit: "Oh, oh, il va entendre une conférence, c’est merveilleux", et lui n'avait pas dormi de la nuit tellement il était impatient, et voilà qu'il n'était pas content parce que la conférence n'était pas du tout ce qu'il avait imaginé : il n'y avait pas de musique et il était déçu, il s'ennuyait beaucoup, il avait envie de pleurer.


Eh bien voilà que ces trois derniers jours, c'était à mon tour non seulement d'aller entendre une conférence, mais aussi d'y participer, une marche de plus sur le grand escalier en colimaçon de la vie universitaire (brrr). C'était une conférence internationale et multidisciplinaire (oh yeah) sur l'adolescent dans la culture et la littérature, organisée par Sa Sainteté Ma Directrice de Thèse, dont je chanterai l'époustouflifiant extraordinarisme un autre jour. Bref, je peux vous dire que contrairement au jeune dromadaire je n'ai pas été ni déçue, je ne me suis pas ennuyée et je n'ai pas du tout eu envie de pleurer. Ah là là! C'était rien chouette, c'est le moins qu'on puisse dire.

Déjà, j'avais l'impression d'être un petit poussin venant juste d'éclore à côté des grands pontes de Cambridge, Stanford et je ne sais où qui sont venus en masse par avion, bateau et fusée lunaire. Il y en a qui sont venus d'Australie. D'Australie! moi tu me donnes une photo d'avion et ça me donne déjà envie de vomir. D'autres arrivaient d'Afrique du Sud, de Taiwan, de Malaisie, du Cameroun, des Etats-Unis et du Canada bien sûr, et j'en passe. Et tout ce petit monde avec leurs travaux, leurs présentations et leurs sujets de recherche (allant de l'analyse littéraire à la socio en passant par les neurosciences) pour en faire partager leurs collègues et néanmoins amis. Oui parce que ces gens-là se connaissent et s'embrassent comme du bon pain bien qu'ils ne partagent pas le même fuseau horaire. Ils se rencontrent de conférence en conférence et se retrouvent avec force 'HELLOOOOOOOOO!!' (ah les Américains et leurs décibels) avant de s'enlacer avec véhémence et une certaine forme d'académique adoration.

Non seulement les présentations étaient, pour la plupart, absolument splendides (quelques-unes, il faut bien l'admettre, péchaient par manque de bagou des orateurs) mais en plus ce qui était parfaitement sympatoche c'est qu'à chaque pause café, à chaque déjeuner, à chaque dîner, tout un chacun pouvait rencontrer et discuter le bout de papier avec les autres quidams, qu'ils soient doctorants ou doctorés, qu'ils aient 25 ou 70 ans. En bref, c'était relax, fun et sérieux à la fois.

Maintenant que c'est terminé, je suis méga deux de tense, genre la fille-zombie ultra fatiguée qui a fait huit dissertations de philo et un marathon à la suite. Mais pas grave, il me reste du souffle pour articuler une question et une seule: 'Bon sinon c'est quand la prochaine conférence?'

mercredi 1 septembre 2010

Aujourd'hui, apprends le russe en t'amusant!



Je suis supra nulle en russe, mais je me soigne à l'aide du bon vieux Le Mot et l'Idée: Russe, publié en 1995. Pour aider ma catastrophiquement pitoyable personne à retenir trois misérables mots de vocabulaire, les auteurs ont eu la bonne idée pédagogique de les utiliser dans des phrases, dont voici quelques exemples bien sympathiques (attention les mots en gras sont à apprendre):

'Miroir': 'Les femmes passent souvent beaucoup de temps devant le miroir'

'Vocabulaire des Tâches ménagères': 'Chaque matin, la maîtresse de maison lave le linge dans la machine à laver. Puis, elle repasse à l'aide d'un fer à repasser sur la table à repasser.'

'La maîtresse de maison s'occupe du ménage, met en ordre l'appartement. Grâce à l'électricité elle peut très vite passer l'aspirateur.'

[Quelle chance alors!]

Dans cet intéressant petit bouquin, tous les 'propriétaires' de maisons s'appellent Pavel et Boris. Forcément, puisque Natacha est 'secrétaire'. Quant à 'Maman', elle 'donne à manger aux enfants'.

Je n'en suis qu'au chapitre 4 donc il risque d'y avoir des mises à jour, je vous préviens.

Lol.

mardi 31 août 2010

Et sinon ça sert à quoi?


Cela fait un certain temps que je voudrais aborder cette question philosophique, révolutionnaire et inquiétante dans les pages de mon blog qui sont, après tout, lues par au moins une demi-douzaine de personnes, ce qui leur offre une portée socio-politique considérable.

Cette question, c’est la suivante : ‘Mais en fait à quoi ça sert ce que tu fais ?’ (sous-entendu : de la recherche théorique – à plus forte raison, en littérature).


(Variante du gros beauf : ‘En fait tu sers à rien quoi, moi faut pas me la faire eh’

Variante du bon chrétien : ‘Je comprends que ça t’intéresse mais quelle est la portée, je veux dire, sans vouloir te contrarier, mais dans une plus large mesure, tu vois, euh ?’

Variante du pragmatique chef d’entreprise : ‘Ca crée pas d’emplois, ça se met pas en boîte’

Variante du prolétaire rageur : ‘Ah ces universitaires ! Y zont des vacances tout le temps, en plus y foutent rien de la journée, à quoi y servent !’

Variante de l’écrit vain écrivain : ‘Anâlysez mes lîvres, je voûs en prîe – maîs sâchez que je n’aî cûre de vôs trôuvâilles quî ne veûlent rîen dîre et ne câptûrent pâs mon ârt.’)


Alors à quoi ça sert ? Est-ce que ça sert ? Pourquoi devrait-ce servir ? Brainstorming.


On ne demande pas ‘Et sinon tes enfants, à quoi ils servent ?’ ni ‘Ton chien, il sert à quelque chose ?’ (à moins que ce ne soit un chien guide d’aveugle, et encore) et il ne viendrait pas à l’idée de la plupart des gens moyennement cultivés et pas complètement riquiqui du cerveau de demander à un bibliophile ou à un cinéphile à quoi sert de lire roman sur roman ou de regarder film après film. La question de ‘servir à quelque chose’ s’applique essentiellement dans le domaine des réalisations sociales et professionnelles, et non familiales ou personnelles.


L’utilisation du verbe ‘servir’ laisse rêveur. Sans vouloir faire du marxisme de bistrot, on voit bien qu’on a gardé ici un mot qui se réfère directement à l’idée de servitude qui a toujours constitué le monde du travail, comme si c’était légitime. Les serfs servaient les propriétaires terriens, qui eux-mêmes servaient le royaume par la guerre, le seul être ne servant personne, et donc ne ‘servant à rien’, étant le roi. Si l’on ne ‘sert’ à rien en société, si on se laisse servir, on se prend pour un monarque, et ces gens-là, dans nos contrées gauloises, on a fini par leur détacher la tête du reste du corps justement pour leur apprendre à ne servir à rien. C’est donc une question brûlante, et vu la fréquence à laquelle on me la pose, je suis aux premières loges pour constater qu’elle persiste dans la société de nos jours.


Question à dix mille euros : A quoi sert une activité professionnelle?


A gagner de l’argent pour soi-même et sa famille, réponse A.

A créer de l’argent, réponse B.

A contribuer à l’amélioration de la qualité de vie pour soi-même et les autres, réponse C.

A occuper 8 heures par jour, 5 jours par semaine pas trop douloureusement, réponse D.


Dis-moi quelles sont tes réponses et je te dirai qui tu es. Je pense personnellement que les 4 réponses s’équivalent plus ou moins dans la mesure du raisonnable, et que tous ce qui peut être appelé ‘métier’ remplit au moins l’une des conditions. Un prof de collège sera plus C que B, peut-être D (on l’espère), et moyennement A. Un trader sera exactement l’inverse. Personnellement en ce qui me concerne et c’est mon point de vue, je persiste à croire que la combinaison des réponses C et D vaut mieux que celle des réponses A et B, mais vous pouvez me dire que je délire total, c’est comme vous voulez.


Où se situe la recherche universitaire fondamentale, à plus forte raison littéraire, philosophique et historique (humanités) dans ce petit quatuor de réponses ?


Pour répondre à cela, je vais prendre chaque proposition l’une après l’autre :


A - Gagner de l’argent pour soi-même et sa famille : en France, on gagne relativement peu en étant universitaire. Moins qu’un cadre, mais plus qu’un employé de la Poste. Dans les pays anglo-saxons, la recherche est au contraire très bien payée (allô, monsieur le plombier ? je vous appelle parce que nous avons une fuite des cerveaux). Au simple salaire s’ajoutent les extras : livres publiés (you wish), invitations, conférences, articles, et surtout le confort de la vie universitaire. Bref, on ne s’en sort pas si mal.


B - Créer de l’argent : là, c’est sûr que ça coince. A moins d’être Noam Chomsky, dont les actionnaires de sa maison d’édition n’ont pas lieu de se plaindre, la recherche universitaire n’est pas faite pour (n’a pas vocation à, dirait Sarko ?) créer des richesses à partir du néant. Ca arrive, notez – la recherche fondamentale en sciences s’occupe de questions qui de temps à autre, sur le long terme, vont aboutir à une découverte rentable. Mais ce n’est pas sa fonction première. Et en recherche littéraire/ historique/ philosophique, on n’est pas bankable du tout, ah ça on ne peut pas dire, ma bonne dame.


Je passe directement au D, facile à commenter :

D – Occuper son temps de manière agréable : ça dépend de chacun, j’imagine, mais si moi c’est mon truc de faire de la recherche et si toi c’est ton truc d’être chef dans un grand restaurant, je ne vois pas bien qui pourrait venir nous dire qu’on ne remplit pas la condition D.


Revenons au C. (là vous vous dites ouh là c’est du sérieux)


C - Contribuer à l’amélioration de la qualité de vie pour soi-même et les autres : pomme de discorde. La proposition est controversée.


Je pense sincèrement que l’enseignement, qu’il soit en petites classes ou couplé à des travaux de recherche universitaire, offre une amélioration significative de la qualité de la vie dans son appréciation, à la fois pour le chercheur et pour la société en général. Bien sûr, c’est une question qui pose problème : n’est-il pas bourgeois et intello de penser que la qualité de la vie peut être améliorée par la transmission et la recherche ? Qu’est-ce qu’une vie de qualité ? J’explique ma définition :


1) Une amélioration significative de la qualité de la vie : par ‘significative’, je veux dire à la fois durable et en profondeur. Un yaourt, une nouvelle voiture, un blockbuster offrent une amélioration temporaire de la qualité de la vie : un ‘rush’ de plaisir comblant un désir. Se référer aux cours de philo de terminale. En revanche, je suis convaincue (et je ne suis pas la seule) que l’analyse, la compréhension, le décorticage d’une œuvre, d’un concept, d’une période historique, contribuent sur le long terme à améliorer durablement et profondément, c’est-à-dire significativement, l’appréciation des créations humaines, de leurs origines, et de leur impact sur notre société ; et par extension, améliorent significativement notre qualité de vie.

Par ‘qualité’ de vie, j’entends non pas la durée de vie ou l’absence de souffrance physique (domaine de la médecine), ou l’absence de souffrance psychologique (domaine de la psychologie ou de la psychiatrie), ou le comblement des besoins naturels nécessaires (domaine de l’Etat-providence), ou la quantité d’argent gagné (voir réponse A), mais véritablement le degré d’appréciation de la vie dans l’occupation pleine de son temps et de ses possibilités d’activité intellectuelle et créatrice.


2) Cette amélioration significative de la qualité de la vie peut s’exprimer de manières très diverses, elle est loin d’être restreinte à la recherche et à l’enseignement. Les métiers artistiques notamment sont particulièrement aptes à créer cette appréciation. Les métiers de l’artisanat d’autant plus, je trouve, qu’ils lient activité créatrice et manuelle. Mais la majeure partie des métiers dont on ne questionne jamais s’ils ‘servent’ à quelque chose sont précisément ceux qui, je pense, ne contribuent pas à une amélioration significative de la qualité de la vie, mais seulement à une amélioration temporaire et superficielle de celle-ci. Encore une fois, sans vouloir faire du marxisme de bas étage, est-ce que l’éparpillement des rôles et des fonctions dans les grandes entreprises permet réellement à l’individu de s’investir, de manière durable, profonde et personnelle, dans un projet dont il/elle voit les origines, le résultat et le fonctionnement ? Bien qu’il/elle serve à quelque chose, est-ce qu’il/elle parvient tout de même à se servir à soi-même ?


3) On peut dire oui ok, tu améliores ta propre qualité de vie, ça te regarde, mais en attendant la recherche universitaire n’améliore pas celle des autres. En réalité, c’est complètement, totalement, absurdement faux. En fait, pour peu que l’on s’intéresse à l’histoire de la recherche fondamentale dans le domaine des humanités (philo – histoire – littérature) et des sciences sociales (ma propre recherche s’inscrit plus ou moins entre les deux), on s’aperçoit très vite de l’incroyable impact des découvertes théoriques sur l’amélioration de la qualité de vie en général. On peut prendre des dizaines d’exemples depuis Platon, mais j’en prendrai un en particulier, sans le développer parce que j’en aurai pour deux mille ans et vous avez sans doute d’autres trucs à faire (vous êtes toujours là d’ailleurs ? allez un bisou en prime). La dialectique du maître et de l’esclave, modèle philosophique proposé par Hegel au début du XIXe siècle, a nourri les thèses politiques de Marx, mais aussi la philosophie féministe (notamment de Beauvoir), qui a contribué à l’émergence des théories littéraires féministes et des gender studies, qui ont accompagné la naissance d’un féminisme social, politique et culturel militant, qui a promu auprès des femmes la possibilité d’une qualité de vie améliorée par la compréhension de soi-même et de son rôle en société, et par la réflexion quant aux éléments formateurs de sa propre individualité.


Il y a un phénomène d’évolution des idées qui est très proche, peut-être, du phénomène biologique d’évolution par sélection naturelle. Telle idée engendre telle autre et celles qui fonctionnent non seulement se multiplient mais s’élargissent, colonisent de nouveaux territoires, ‘contaminent’ d’autres sphères de recherche. Comme pour l’évolution par sélection naturelle, ce processus n’a pas de finalité propre, de téléologie. Hegel n’aurait jamais dit que sa recherche ‘servait’ à améliorer la qualité de vie des femmes deux cents ans plus tard. Il ne viendrait à l’idée de personne de demander ‘A quoi sert l’évolution par sélection naturelle ?’. Elle ne ‘sert’ à rien ; elle existe. Ses résultats sont observés a posteriori. Je pense qu’il en va exactement de même pour la recherche universitaire.


Bon ça y est elle a fini son blabla ? Non pas tout à fait. Reprenez donc un autre café.

Allez, pour égayer votre lecture j’ai fait un petit graphique pour résumer (oui je suis en vacances) :


Comparaison graphiale de trois occupations professionnelles selon critères de l’échelle de Beauvais (2010) par statistiques réactivatrices multidisciplinaires à 26,7 % (estimation Q.24, hiver 2003)



Pardon ? D’où je sors les chiffres ? Mais de mon chapeau, madame. Comment vous croyez qu’ils font les scientifiques ?


Ce graphique prouve ma thèse sans l’ombre d’un doute, puisque je l’ai consciencieusement élaboré à partir d’elle.


Ce que j’en conclus, c’est que lorsque l’on critique mon choix d’entamer un doctorat en argumentant que cela ne ‘sert’ à rien, on se base uniquement sur un certain nombre de critères dont il est relativement facile de montrer qu’ils ne sont pas les seuls à constituer l’essence d’une activité professionnelle. Chacun, je pense, évalue le degré d’utilité des métiers des autres selon ce qu’il/elle valorise dans son propre métier. Mais en ce moment le consensus est à l’utilité commerciale (bien sûr, on valorise aussi la recherche médicale, les œuvres humanitaires, etc, mais ça ne représente pas la majeure partie des jobs). Je ne suis pas communiste, anticapitaliste, anarchiste ou altermondialiste mais je pense qu’il faut s’interroger très sérieusement sur ce que cela implique lorsque l’on dit d’une activité qu’elle ‘sert’ à quelque chose. On a l’impression qu’il est très facile de juger de son utilité, alors que la question est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. On prend des critères immédiats et mesurables : argent dépensé contre argent gagné, temps passé contre gain de temps – parce que c’est une solution facile et que son apparente rigueur rassure. Mais il existe d’autres critères qui ne s’évaluent que sur une durée très longue et au-delà du calculable. La qualité, la plénitude de la vie en est un. L’élaboration d’un arbre de connaissances sur l’humanité se prolongeant dans le futur en est un autre, qui permet aux idées et aux découvertes de s’inscrire dans une évolution qui dépasse de très loin les critères habituels de rentabilité et de rapidité.


Sur ce, je vous laisse. Ciao les amis.


C’était ‘Les Réflexions Fort Intéressantes de Tata Clémentine’, pour Radio Agrumes.

lundi 30 août 2010

Update - Podcast de l'émission

Cliquez ici si vous voulez écouter l'émission de Michel Field, 'Café découvertes', diffusée cet après-midi, et à la fin de laquelle je fais une petite intervention.

Passage sur Europe 1


Je passe cet après-midi sur Europe 1, dans la nouvelle émission de Michel Field, 'Café Découvertes', à l'occasion d'un débat sur le féminisme dans l'islam. Je parle de mon album Samiha et les fantômes, publié chez Talents Hauts, et illustré par Sylvie Serprix.

L'émission se déroule de 13h30 à 14h30 et j'interviens brièvement vers la fin. Ecoutez-moi donc si le coeur vous en dit! J'ai pas la voix sexy de Carla Bruni mais vous n'allez pas chipoter.

mardi 24 août 2010

Le Grand Jour, Update


Dès que les petits cochons ont fini de renifler mes manuscrits, je les expédie.

(Pas les petits cochons. Les manuscrits. Fopakejmegoure.)

Le Grand Jour d'Envois Massifs et Optimistes


Etant abandonnée à mes propres moyens, qui sont maigres, par un père émigré pour les vacances dans le Pas-de-Calais, une mère émigrée pour le travail à Bruxelles, une soeur émigrée pour va-savoir-quoi-avec-ses-potes à Nice, et même une tortue émigrée, j'ai décidé de rendre ce jour solitaire et parisien plus productif que prévu en le changeant en Grand Jour d'Envois Massifs et Optimistes. Je ne sais pas vous mais je trouve qu'on reçoit beaucoup trop de lettres négatives des éditorieux et éditorieuses pour notre santé mentale (sauf Sardine qui passe son temps à danser la gigue, la chanceuse). Donc aujourd'hui je vais faire genre la fille ultra virginale de lettres de refus, et bombarder à toute blinde éditeurs gaulois et d'Outre-Manche de ma fascinante prose.

Alors déjà, je ne suis pas avaricieuse et harpagonne, loin de là, mais un truc qui me tue c'est le vidage d'encre d'imprimante. J'en pleurerais presque. Quand mon imprimante imprime je suis à côté à implorer Thor et Brahma de ne pas vider la cartouche sivouplé parce que ça coûte tellement cher pour un truc qui va être rejeté dans trois mois et renvoyé par la poste. En général mes prières ne sont pas entendues. J'ai une Canon et elle devrait entamer une cure de désintox pour consommation excessive, trouvé-je.

Ensuite le truc c'est les timbres et l'opération de postage. Il se trouve qu'à Paris j'habite pile dans le quartier des éditeurs. Dès lors, deux options. Soit je dépense je ne sais combien de mes rares ducats pour acheter quatre kilos de timbres spéciaux aérodynamiques à percolation pour mes précieux manuscrits, soit je prends mes petites jambes et je fais le tour des éditeurs en lâchant mon bébé toute seule comme une grande dans leurs boîtes aux lettres personnelles. Ca dépend du temps (qui passe), du temps (qu'il fait) et du tempérament de la journée. Aujourd'hui, vu que c'est le Grand Jour d'Envois Massifs et Optimistes, je crois qu'il va y avoir panachage. Timbres pour ceux qui sont à la lisière d'un rayon de promenade excessif, et pas timbre pour ceux qui ont la chance de crécher pas trop loin de mon domicile.

Bon je parle, je parle mais en attendant l'heure tourne et vu que c'est le Grand Jour d'Envois Massifs et Optimistes, faut que je vous quitte. Allez, bises bleues de la clémentine et à la prochaine.

P.S. j'espère que la prochaine ne sera pas le Grand Jour de Lettres de Refus Massives et Négatives.

lundi 23 août 2010

Back home


Me voilà rentrée à la maison après un road trip endiablé en famille en Allemagne. Ma frangine parlant Teuton et mon père s'y étant également essayé, ma mère et moi avons pu nous laisser balloter de musée en musée, de château en château et de saucisses en apfelstrudels. Ci-dessus, le château de Neuschwanstein, dit château de la Belle au Bois Dormant. Charmant, me direz-vous, sauf qu'il y a affluence de Côte d'Azur même en plein milieu de semaine, et comme c'est très haut sur la montagne, certains touristes ont du mal à suivre. Dont une dame relativement dodue et un peu crevée par l'ascension qui a fini par vomir sur la mosaïque de 2 millions de morceaux de céramique au troisième étage du palais enchanteur, cassant quelque peu le romantisme exacerbé des lieux.

Me voilà rentrée, donc, avec comme projet immédiat la confection d'une présentation Power Point pour ma première conférence de début septembre, à Cambridge, sur l'adolescent dans la culture et la littérature. Et puis ce sera le début de mon doctorat, que j'attends, à ma grande surprise, avec la plus trépignante impatience. Moi qui détestais l'école et avais juré de faire des études courtes, LOL. Mais ayant rencontré une certaine professeure devenue ma directrice de thèse, tout a changé. Comme quoi il ne faut jamais dire fontaine.

Côté publications, rien de très neuf sous le soleil. Sous la pluie, d'ailleurs.

mercredi 28 juillet 2010

Vacances, on ferme!


Je reviendrai quand mes taches de rousseur se seront multipliées par douze, c'est-à-dire dans un peu plus d'un mois!

Allez ciao la blogosphère!

Clémentine Bleue

dimanche 25 juillet 2010

Premier article


(Copyright Hergé/Moulinsart 2010)

Ma première publication universitaire va paraître d'ici peu dans une revue académique consacrée à la recherche en littérature jeunesse. Il s'agit d'une étude du motif de la Lune dans Tintin, au titre esthétiquement pompeux avec une citation qui claque.

Cet article est tiré de mon projet de troisième année de licence, et symboliquement, c'est assez amusant que ma toute première publication porte sur Tintin. Mon père est absolument passionné par Tintin - c'est, comme on les appelle dans le jargon, un tintinophile enthousiaste, capable de vous dire de quelle couleur est la robe de la Castafiore dans n'importe quelle planche de n'importe quel album. Il collectionne bouquins et produits dérivés comme si sa vie en dépendait, et j'ai évidemment biberonné tous les albums depuis ma plus tendre enfance. Du coup, rien de plus naturel, je lui dédie cette première publication, puisque je sais qu'il lit ce blog (mais il refuse de faire des commentaires parce qu'il est convaincu que son email et son adresse IP seront redistribués au GIGN, à la secte des Raéliens et au PDG de sa boîte).

Publier un article, les amis, c'est pas du gâteau. T'as l'impression que ça va être facile, hop ton manuscrit a été accepté, mais ce n'est que le début. Le système informatique fonctionne de temps en temps mais parfois il décide de t'envoyer des emails tout seul pour te dire que ton article a été accepté (alors que tu le sais depuis six mois). Ensuite on t'envoie des épreuves à peu près soixante-douze fois, et tu comprends pas pourquoi mais à chaque fois il y a de nouveaux trucs à changer. Puis l'article est expédié à des sous-traitants qui, pour une raison obscure, décident de changer tous les pronoms dans ta biographie, que tu as toi-même écrite, pour les mettre au masculin. Tu reçois donc ce qui est censé être la toute dernière épreuve dans un email marqué URGENT, et tu vois ta propre biographie qui dit: 'Clémentine est un étudiant en master à l'université de Cambridge. Il est particulièrement intéressé par les questions d'idéologie dans les livres destinés à la jeunesse [etc]'. Là tu te dis que quelqu'un au bout du monde est en train de t'imaginer ventripotent et barbu. Tu fais donc poliment valoir par email que jusqu'à preuve du contraire tu possèdes une paire de chromosomes X et que tu aimerais bien accorder les pronoms personnels te définissant avec ce fait biologique difficilement contestable. Ouf! l'épreuve est enfin validée. Ta publication va paraître, youpi! tu peux maintenant te consacrer à la prochaine.

Heureusement, pendant ces longs mois d'angoisse tu reçois des emails galvanisants et personnels des éditeurs, qui sont en réalité des profs d'université et des chercheurs qui font tout ça bénévolement, pour faire avancer la discipline. Tu as beau avoir seulement vingt-et-un ans et à peine deux diplômes, ils te parlent comme si tu étais une estimée collègue. Ils te font des commentaires précis et argumentés, ils te proposent d'améliorer tel ou tel passage, ils te demandent de clarifier des termes, et malgré l'irascibilité du système informatique et le sexisme latent des sous-traitants du Bangladesh tu te dis que toute l'entreprise est justifiée, juste parce que ça t'a permis, pendant quelques mois, de t'entretenir avec des gens passionnés par ce qu'ils font, et qui veulent le faire à la perfection.

jeudi 22 juillet 2010

Brève de comptoir


'Donc l'année prochaine tu fais quoi en fait?'
'Un doctorat.'
'Un doctorat en quoi?'
'Toujours la même chose, littérature jeunesse.'
'Ah bon? C'est quoi ta thèse? Un truc genre "Comment rendre les bibliothèques plus accessibles aux enfants"?'
'Ah pas du tout, ça c'est un truc d'école de commerce, non non, ma thèse c'est très théorique en fait.'
'Très théorique?'
'C'est de la théorie.'

[De la théorie. De l'athée au riz? De là, Théo rit? Deux lattés au riz?]

'Mais euh de la théorie... Genre quoi?'
'Ben de la recherche pure, quoi. Par exemple, qu'est-ce qui constitue l'essence de la littérature destinée à la jeunesse, qu'est-ce qu'elle signifie en termes de transmission, comment on peut définir les idéologies qu'on y trouve, quelles sont les dynamiques de langage, ou les questions d'espace et de temps...'
'Et tu trouves tout ça dans Spot fait un gâteau?'

[Se retenir de dire que Spot est à la littérature jeunesse ce que Marc Lévy est à la littérature pour adultes.]

'Haha, euh, il n'y a pas que Spot dans la littérature jeunesse.'
'Ouais bon mais ça sert à quoi tout ça en fait?'

[Oh 'ça sert'. 'Ca sert' à plein de choses. Genre guérir les mélanomes, inventer des énergies propres et atterrir sur le Soleil.]

'Ca ne "sert" à rien, c'est de la recherche universitaire, ça contribue à établir un réseau de connaissances sur l'être humain, l'art, les rapports sociaux et générationnels, tout ça.'

[Et toi sinon tu sers à quoi, avec ton master en information et communication?]

'Et t'as obtenu une bourse d'études complète pour faire ça? Mais c'est qui qui paye?'

[De toute évidence, un débile profond multimilliardaire.]

'L'état britannique.'
'L'ETAT?'
'Ben oui.'

[Expression qui veut dire 'en même temps ces britiches ils sont un peu chtarbés']

'Ils te payent à lire des bouquins pour gamins en fait! Tranquille la fille.'

[Oui oui. C'est comme quand tu fais un doctorat en mathématiques, on te paie pour taper sur ta calculette. Et quand tu fais un doctorat en géo on te paie pour colorier les pays au Caran d'Ache.]

'Bon et ça va te mener à quoi tout ça?'
'A faire encore plus de recherche.'
'Pour quoi faire?'
'Pour faire avancer la recherche.'
'Pour quoi faire?'
'Pour quoi faire? Pour quoi faire? POUR EMMERDER LES ETUDIANTS EN MASTER D'INFORMATION ET DE COMMUNICATION.'
'...'
'...'
'Ben tu bois pas ton Frappucino?'
'Non là tu vois j'ai plus très faim.'