lundi 26 avril 2010

Hurlevent: les hauts et les bas

Il fait très beau en ce moment en terre des Angles, ce qui explique que je passe moins de temps devant mon ordinateur, ce qui est heureux pour ma santé mais moins pour ma thèse de master. Enfin, tout ça pour dire que je passais l'autre jour en ville dans une quelconque librairie, il a fallu comme toujours que j'aille faire un tour du côté du département jeunesse, et je suis tombée, comme à chaque fois, sur ça:



Ca, c'est une réédition des Hauts de Hurlevent, chef-d'oeuvre de la littérature anglaise du XIXe siècle, écrit par la toute jeune Emily Brontë. Cette réédition trouve sa place non pas dans la partie 'classiques' mais sur l'étagère 'Dark Romance' de la section jeunesse, intercalée entre Twilight et une foultitude d'autres bouquins pseudo-gothico-romantiques écrits à la va-vite sur un coin de table par des opportunistes ravis de carotter son concept à Stephenie Meyer, et arborant des titres alléchants tels que 'Morsure', 'Ténèbres sur St Goth', ou autres 'Comment Résister au Baiser du Vampire'.

Cette splendide réédition des Hauts de Hurlevent est un coup marketing assez extraordinaire. Le design de couverture reprend exactement les mêmes codes que celles des Twilight, avec un fond noir, un objet blanchâtre et une touche de rouge. Mais ce qui est génial, c'est que la couverture dit carrément: "Le livre préféré de Bella et Edward" (entendez: les héros de la consternante tétralogie). C'est bien la première fois que je vois un classique de la littérature anglaise marketé comme étant le bouquin favori de deux personnages de fiction. Ce qui m'amuse, c'est que c'est un livre que tous les parents et professeurs tentent de faire lire à leurs enfants et élèves - parfois sans succès - mais là, ils ont trouvé l'argument-massue: lisez-le non pas parce qu'un adulte vous le demande, mais parce que Bella et Edward, éternels adolescents, le trouvent génial.

Alors, des cohortes de Twihards vont-elles se jeter sur cette dernière trouvaille marketing et passer ainsi d'un douteux phénomène éditorial à la sombre beauté d'Emily Brontë? Malheureusement, j'en doute. Si elles étaient déjà d'avides lectrices avant Twilight, elles auront déjà lu Les Hauts de Hurlevent, classique de chez classique, ou le liront du moins dans les années à venir, avec ou sans Twilight. Si au contraire elles n'ont jamais rien lu d'autre que Twilight, où le style est inexistant, les personnages à la limite du débile mental et l'intrigue fine comme du papier à cigarette, je doute qu'elles réussissent à entrer dans l'histoire compliquée des Hauts, avec ses narrations imbriquées, psychologies complexes et intrigues labyrinthesques. Passer de Twilight aux Hauts de Hurlevent, c'est un peu l'équivalent de passer de Grand Corps Malade à Percy Bysshe Shelley.

(Je précise que je dis 'elles' non pas par sexisme mais parce que malheureusement, les lecteurs de Twilight sont en écrasante majorité des lectrices, et c'est à elles que ce coup marketing s'adresse.)

Enfin, si seulement une petite poignée de non-lectrices pioche cette réédition et la lit jusqu'au bout, c'est peut-être ça de gagné. Pour la maison d'édition, en tout cas, c'était une réédition à peu de frais, et puisque l'oeuvre est dans le domaine public, ils ont droit de s'en mettre plein les poches, à grands coups de phrases d'un écoeurant clichéisme telle que celle qui orne la couverture: 'LOVE NEVER DIES.'

2 commentaires:

  1. Clémentine, je suis sous le choc... T'es quand même pas en train d'essayer de nous faire croire que Bella et Edward savent lire, quand même ?

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  2. il paraît que si! enfin, c'est d'après leur créatrice, dont on peut aussi douter qu'elle sache lire (et écrire), alors bon!

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