mercredi 27 mars 2013

Y comme Y-Generation

Mais elle sait ce qui est important dans la vie
La génération Y, c'est celle de moi et de mes potes à moi. C'est nous qu'on est nés avec la technologie, apparemment (Adibou! Encarta! Les Sims 1!). Mais bon, faut relativiser. Ok, j'avais une Game Boy mais la famille n'a acquis un ordinateur qu'en sixième, j'ai eu mon premier portable en seconde, é ct o moman ou falé vrt écrir d sms cour paske les forfé sms ilimité ça existé pa. C'est plutôt du côté de ma petite filleule de 3 ans qu'il faut trouver les vrais digital natives, les natifs du numérique. Nous, à côté, les bébés des années 90, on est pathétiquement sans-écran.

Bref, ce dont je vais parler aujourd'hui, c'est du rapport entre enfance et technologie en littérature jeunesse. Il y a une branche de la théorie littéraire, assez récente, qui s'est développée pour théoriser les représentations du surhumain, du cyborg, de l'humain 'modifié': la théorie post-humaniste.

Le post-humanisme s'intéresse à ce qu'il advient de l'humain quand on l'augmente, le modifie, le corrige par des moyens technologiques; ou tout simplement lorsque l'individu est tellement inscrit dans un univers numérique que cela modifie son rapport à la réalité. En littérature jeunesse, c'est une perspective très nouvelle et je crois que le premier monographe sur le sujet sortira en anglais l'année prochaine.

Je ne suis pas une spécialiste en la matière, mais ce qui me frappe, dans les représentations de la technologie en littérature pour ados et pour enfants, c'est qu'on voit véritablement à la fois une peur et une fascination de l'adulte pour l'enfant modifié: pour l'enfant qui, en d'autres termes, pourrait bien devenir plus puissant que l'adulte (oui oui, ça faisait longtemps qu'on n'avait pas parlé de pouvoir).

Ce n'est pas un phénomène récent. Vous vous souvenez de War Games, THE film de la génération Y?

sont-ils pas MEUGNONS!!!
Ce film traduit une angoisse bien réelle de l'adulte face au 'geek' ado ou préado: par la technologie, le 'jeune' a véritablement accès à une domination possible et palpable sur le 'vieux'. C'est un renversement total des rapports de pouvoir habituels entre adultes et enfants: la connaissance, l'expérience, le savoir-faire, toutes ces aptitudes généralement réservées à l'adulte peuvent être développées - de manière exponentielle parfois - par des gamins isolés dans leur chambre. Et c'est ainsi que se développe gentiment, depuis les années 90, une véritable mythologie de l'enfant-geek. A la fois aide et menace pour l'adulte, il est chéri et détesté pour ses pouvoirs de programmation et de déprogrammation auquel l'adulte n'entrave pas grand-chose.

Et puis on a l'enfant surhumain, entièrement robot, ou technologiquement 'renforcé'. Là encore, ce n'est pas nouveau: qui parmi vous a eu le bonheur de lire l'hilarante série de 'L'Androïde' de Seth McEvoy? C'est humoristique, oui, mais ces histoires d'un garçon dont personne ne doit savoir qu'il est un robot vont très loin dans le questionnement, typique de la science-fiction, des définitions ordinaires de 'l'humain'. Etre humain est-il simplement une question d'apparence, de performativité? 

La série précise aussi ces questionnements, en les rapportant à l'adolescence: qu'advient-il de l'ado dans toute son imprévisibilité, ses tracas, son irrationalité, quand il est entièrement programmé par un adulte? Chip, le héros, nous répond qu'il est possible - et même inévitable - d'échapper à la programmation. Même robotique, l'ado reste imprévisible. Et là encore, c'est un pied-de-nez au pouvoir de l'adulte.

On arrive, en théorie, à des redéfinitions étranges et fascinantes de la différence entre adultes et enfants. L'enfant transformé par la technologie devient hyperconnecté, hyperrapide, capable d'infiltrer un monde régi par l'adulte, dont la domination n'est du coup que... virtuelle. Et si l'enfant peut, grâce à la technologie, vivre pour toujours, tout connaître, tout décrypter, que devient l'adulte sinon un être obsolète et impotent? Le vrai pouvoir devient une conquête, une invasion des lieux virtuels plutôt qu'une possession des lieux physiques; le 'territoire' de l'enfant est donc inexistant physiquement, mais extrêmement étendu symboliquement et économiquement.

L'humanité est transformée; ce n'est plus tellement un trait commun à l'adulte et l'enfant, mais un concept évasif, en constante évolution, qui peut être approprié par l'un ou par l'autre selon les progrès de la technologie. Plus que nulle part ailleurs, dans les dystopies et les récits post-apocalyptiques, futuristes ou de science-fiction pour la jeunesse, on perçoit la bataille symbolique entre adulte et enfant qui est présente plus implicitement dans toute la littérature jeunesse.

Mon ami et collègue Richard, qui fait sa thèse de doctorat sur le geek en littérature ado d'une perspective posthumaniste, a un blog (en angliche) où il liste tous les bouquins qui sortent avec des personnages de ce genre. Je vous invite à le consulter si vous voulez en savoir plus.

OHMYGOD les gens! le prochain article, c'est le der des ders! et il s'agira de Z. Comme Ze End. Sortez vos mouchoirs.

1 commentaire:

  1. Ce qui me déplaît dans cette possibilité que l’enfant prenne le pouvoir sur l’adulte grâce à ses performances de geek, n’est point tant qu’il en sache plus que moi dans ce domaine mais , qu’à la différence d’un adulte (- pas tous certes - qui me concède d’autres capacités ), cela semble lui octroyer le droit de remettre en cause mon autorité dans tous les domaines ! LOL !

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